© Loic Vizzini
« Si vous êtes témoin d'un événement, envoyez-nous vos images ». Cette phrase fait désormais partie intégrante des sites d'information français et internationaux. L'accès abordable de l'image via les smartphones et appareils photos à bas prix en ont fait un produit de consommation facile et pas cher. Ainsi, pourquoi ne pas en profiter, et utiliser gratuitement les images des citoyens lambdas lorsqu'ils sont avant les professionnels sur le lieu d'un événement important ? Finalement, le concept est tentant, facile, et surtout lucratif pour bon nombre de médias.
Mais, outre le fait que cela retire des opportunités aux vrais professionnels de l'image sur le terrain, ce qui est déjà grave, plus encore ce genre de procédés peut mener à bon nombre d'abérrations.
La dernière bourde en date a eu lieu peu de temps après le grave incident ferroviaire du12 juillet dernier à Brétigny-sur-Orge. Le déraillement du train Teoz Intercités Paris-Limoges a été effroyable et lourd de conséquences. Comme toujours dans ce genre de tragédies, nombreux ont été les curieux chargés d'observer et surtout d'immortaliser le chaos. Evidemment, très rapidement, les réseaux sociaux ont été saturés d'images post-accident.
http://www.deldebbio.net/?p=4138&cpage=1#comment-2746">Le du sujet quelques jours après le drame. Il revient en effet sur le cas de deux utilisateurs assidus de Twitters, Roby et Aicha, qui ont postés quelques minutes après le déraillement du train des images fortes de sens. Ces deux images vont, à la vitesse que nous connaissons tous d'internet, marquer les esprits et surtout circuler partout. Immédiatement, comme des prédateurs, ce sont des journalistes du monde entier qui leur envoient des demandes d'interviews et surtout d'utilisation des images. Le graal sera l'utilisation de ces mêmes images dans les journaux de France 2 et TF1 et, pire encore, la photographie de Roby fera la une du Figaro du 13 juillet. Une belle opération financière, lorsque l'on connaît le prix d'une photographie en première page. Le pire restant toujours à venir, plusieurs heures après le drame, l'aveu tombe, ces images ne seraient pas la propriété de Roby et Aicha, mais d'autres utilisateurs de twitter. Le tweet du tweet … et rapidement, le copyright même d'une image, alors utilisée par bon nombre de médias, n'est plus.
L'apothéose de tout cela arrivera quelques heure plus tard. TF1, lors de son journal télévisé de 20h le jour du drame, montre une image censée représenter la catastrophe, alors qu'il s'agissait en réalité … de celle tirée de la vidéo d'une explosion d'un train de marchandises en Russie. A ce sujet se défendait Jeremy Stahl du site Slate « Quand un événement de ce genre se produit, il y a toujours des erreurs factuelles, tout le monde en fait »: « Que celui qui n’a jamais péché me lance le premier tweet. On peut se retrouver à moquer le New York Post pour son erreur et, une minute plus tard, diffuser une fausse nouvelle tombée sur le fil de Reuters. Dans le même ordre d’idée, il est également préférable d’éviter les sermons et les grandes déclarations visant à montrer votre hauteur de vue. Elles sonnent fausses et désinvoltes. »
Bien sûr que l'erreur est humaine, personne ne pourra dire le contraire. Mais lorsqu'il s'agit de diffuser une information, le professionnalisme d'un journaliste doit être remise en cause dans ce genre de situations. L'arrivée des smartphones et la multiplication des réseaux sociaux auraient-ils mis à mort la pratique du « double-checking », vérifier deux fois ses sources avant une publication ?
Lorsque l'on voit quel peut être l'impact visuel d'une image, il est important d'en prendre soin, et surtout de ne pas en faire n'importe quoi. L'image est un bien précieux, non un bien de consommation périssable …
Claire Mayer